Selon de récentes études psychologiques (menées par David Barlow, Steven Hayes et d’autres figures de la psychologie contemporaine), une des principales causes de nombreux problèmes psychologiques est notre tendance à éviter les émotions.
Cet article est l’adaptation d’un article de Noam Shpancer, publié le 8 septembre 2010 sur le site www.psychologytoday.com.
Selon de récentes études psychologiques (menées par David Barlow, Steven Hayes et d’autres figures de la psychologie contemporaine), une des principales causes de nombreux problèmes psychologiques est notre tendance à éviter les émotions. Cette proposition peut surprendre car tenter d’éviter les émotions négatives semble être une attitude raisonnable. Après tout, les émotions négatives ne sont pas agréables et souvent liées à des événements négatifs que nous souhaitons éviter de nous rappeler ou, mieux encore, oublier.
Nous sommes tous familier avec le soulagement momentané que l’évitement peut nous amener. Si l’idée de parler me déplait, je peux faire en sorte de me sentir mieux en décidant de ne pas parler. En prenant cette décision, je ressens un soulagement. L’évitement est une solution efficace … mais à court terme. A long terme, les conséquences de l’évitement peuvent être bien plus importantes que ce qu’il a permis d’éviter. Et si vous avez un peu de chance, il est fort probable que votre vie soit l’une de ces choses que l’on envisage à long terme.
Eviter une émotion négative vous offre un bénéfice à court terme au prix d’une souffrance à long terme. Lorsque vous évitez l’inconfort à court terme d’une émotion négative, vous agissez de la même façon que la personne stressée qui décide de boire. Elle est stressée, elle boit, ça diminue son stress, elle se détend. Ca «marche». Le jour suivant, lorsque les émotions désagréables reviennent, elle boit à nouveau. Et ainsi de suite, d’un court terme à un autre court terme. Au bout d’un certain temps, cette personne développera un problème de plus grande envergure, l’addiction, en plus des problèmes qu’elle n’a pas résolu en buvant. C’est un système vicieux qui s’adresse à toutes les situations impliquant une émotion. Imaginez qu’un événement majeur traverse votre vie et que vous anticipiez que vos proches réagissent mal à cette nouvelle. Vous avez peur de l’annoncer. Vous ne dites rien. Vous ressentez un soulagement lorsque vous prenez cette décision. Le lendemain, le problème n’est toujours pas réglé. Vous ne dites toujours rien. Vous êtes à nouveau soulagé. En plus de ne pas régler le problème, vous risquez d’en créer un autre, plus grand, qui touche par exemple l’estime et la confiance que vos proches vous portent.
L’évitement émotionnel est problématique pour plusieurs raisons.
Premièrement, la poursuite des but et objectifs importants dans votre vie impliquent inévitablement de passer par des moments et des situations difficiles. Ne pas vouloir payer le prix de ce voyage risque fort de réduire l’horizon de votre vie à peau de chagrin. Au fil du temps, l’évitement peut devenir une prison : après un certain de temps vous commencez à ressentir le besoin d’éviter de plus en plus de situations, de personnes, d’expériences et endroits qui vous rappellent l’émotion négative. Plus vous évitez, plus vous vous sentez faible, plus vos compétences de gestion des difficultés diminuent et moins riche est votre vie.
Deuxièmement, vos tentatives d’évitement sont, pour la plupart, inutiles. Vous dire qu’une émotion est intolérable ou dangereuse vous piège dans une constante vigilance de toutes choses que vous tentez d’éviter. Vous devenez hyper-vigilant à propos de tout ce qui pourrait déclencher l’émotion. De plus, la peur d’une expérience négative imminente est, en elle-même, une expérience négative. Il est impossible donc d’éviter de faire une expérience négative.
Troisièmement, l’évitement émotionnel implique parfois le déni de la vérité, ce qui n’est pas réellement une base solide pour avancer dans la vie. C’est comme si quelqu’un, regardant par le fenêtre et voyant la neige tomber, se disait «noooon, il ne peut pas neiger». En fait, si, il peut neiger et, effectivement, il neige. Il se peut que vous n’aimiez pas la neige. Cependant, nier le fait qu’il neige ne résout pas les problèmes posés par la neige.
Quatrièmement, l’évitement augmente la période d’anticipation. L’anxiété d’anticipation est souvent bien plus nuisible que la situation qui est anticipée. L’anxiété d’anticipation est délétère dans la mesure où, lorsque vous anticipez, votre imagination n’est pas cadrée par les contingences de la situation. Vous pouvez aller n’importe où avec votre esprit. En ce qui concerne les situations qui ne se sont pas encore produites, vous irez très probablement vers le négatif, voire même vers le catastrophique et développerez, outre une grande anxiété, des talents scénaristiques dignes de 2012, Titanic ou encore la Guerre des Mondes. Par contre, lorsque votre esprit se trouve dans la situation redoutée, il est cadré par la réalité de ce qui vous entoure. Et, très souvent, la réalité est bien moins spectaculaire ou catastrophique que les histoires racontées par votre esprit. Les vraies catastrophes sont assez rares. La réalité génère bien moins de situations extrêmes qu’une imagination débridée.
Avant de discuter une façon plus saine de composer avec les émotions négatives, nous devons comprendre la fonction des émotions en générale. Vos émotions sont une source d’information. Vos émotions vous racontent quelque chose à propos de vous et de ce qui vous entoure. Les émotions, cependant, ne sont pas l’unique source d’information à laquelle vous avez accès. Vous avez aussi accès à votre pensée rationnelle, vos connaissances et expériences bien stockées en mémoire, vos valeurs et vos objectifs. L’information amenée par les émotions a besoin d’être évaluée à la lumière de ses autres sources d’informations, de façon à vous permettre de décider comment vous comporter dans la situation.
Quelle que soit votre émotion, vous avez toujours le choix de l’action. Votre décision dépendra de votre synthèse des différentes sources d’informations. Par exemple, Si un chien agressif s’approche de vous et votre enfant lors d’une promenade en forêt, vous aurez sans doute peur et envie de fuir, mais vous resterez probablement pour vous battre avec le chien afin de protéger votre enfant. Ici, vos valeurs («j’ai le devoir de protéger mon enfant») vous amène à «désobéir» à votre peur. Les émotions, lorsqu’elles sont vues comme une part du spectre des sources d’informations disponibles, sont un peu comme un bulletin météo. Elles sont importantes à connaitre, prendre en considération et comprendre, mais elles ne doivent pas nécessairement devenir le facteur primordial dans la planification de votre vie. Lorsque la météo est mauvaise, cela ne veut pas dire que vous devez la nier, centrer toute votre attention sur elle ou encore annuler tout vos plans. Ce que vous avez à faire, c’est d’accepter le temps qu’il fait et d’ajuster vos plans en fonction. Si mon objectif est d’aller chercher ma fille à l’école à 15h30 et qu’il se met soudainement à neiger, et dieu sait que je n’aime pas la neige, je ne vais pas perdre mon temps et mon énergie à pester contre le ciel et encore moins laisser ma fille rentrer seule. Je vais mettre une veste, des gants, quitter la maison 15 minutes plus tôt et rouler prudemment pour aller la chercher.
En tant qu’être humain, vous allez avoir durant votre vie toutes les émotions possibles et imaginables, tout comme la terre expérimente tous les temps possibles. Et si ce n’est pas encore fait, laissez faire le temps. Ces émotions sont, plus que tout autre chose, notre héritage d’être un être humain. En acceptant votre vie émotionnelle, vous affirmez pleinement votre humanité. L’acceptation émotionnelle est de loin une stratégie bien plus efficace que l’évitement.
L’acceptation émotionnelle réfère à l’habileté d’accepter, à être d’accord de faire l’expérience d’une émotion négative, de la reconnaitre, de l’absorber. L’acceptation offre plusieurs avantages. Premièrement, en acceptant vos émotions, vous acceptez la réalité de votre situation (il neige). Cette acceptation signifie que vous n’avez pas à dépenser inutilement votre énergie à tenter de maintenir l’émotion loin de vous. Lorsque votre émotion est reconnue, vous pouvez poser des actes dans des directions conforment à vos buts et valeurs personnels.
Deuxièmement, lorsque vous acceptez l’émotion, vous vous donnez la chance d’apprendre à son contact, de devenir familier avec elle, de développer des compétences vous permettant de composer avec elle et de l’intégrer dans votre vie. L’évitement ne vous permet pas cet apprentissage car il vous est impossible d’apprendre à faire quelque chose (ex. faire avec l’émotion) si vous ne le faites pas.
Troisièmement, l’acceptation est une façon implicite de dire «ce n’est pas si mal». Il est vrai que les émotions négatives ne sont pas agréables, mais elles ne vous tuerons pas. Les expérimenter comme elles sont, ennuyantes mais pas dangereuses, est finalement mois aléatoire que les infructueuses tentatives d’évitement.
Finalement, lorsque vous acceptez une émotion négative, vous lui faites perdre son pouvoir destructeur. Cela peut surprendre et paraître contre intuitif, mais si vous réfléchissez un peu vous comprendrez la logique de cette approche. Les nageurs qui sont pris dans ressac des vagues et qui se sentent pousser vers le large paniquent souvent et commencent à nager à contre courant de toutes leurs forces. Ils fatiguent, ont des crampes et finissent par couler. Pour survivre, un nageur prit par la mer doit faire tout le contraire : se laisser aller. Laisser le courant l’emmener vers le large. Quelques centaines de mètres plus loin, le courant perdra en force et alors le nageur pourra regagner la côte. Il en va de même avec une émotion puissante : la tenir à l’écart est inutile et potentiellement dangereux. Si vous l’acceptez, elle fera son chemin, perdra en puissance et vous permettra de regagner la côte.
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