Il fut un temps où l’hypersensibilité était diabolisée. Étiquetée comme faiblesse, fragilité ou instabilité, elle était souvent considérée comme un fardeau à porter. Les personnes qui ressentaient les choses plus profondément, qui étaient touchées par les nuances les plus subtiles de leur environnement, qui se sentaient débordées par des stimuli que d’autres trouvaient tolérables, étaient souvent incomprises, voire ridiculisées.
Les émotions intenses étaient perçues comme le signe d’une personnalité faible, d’une personne incapable de se maîtriser. La société avait tracé un chemin, une voie à suivre : être fort, être résilient, être indépendant. Tout ce qui déviait de ce chemin était considéré comme un obstacle à surmonter, une anomalie à corriger.
Et puis vint Elaine Aron. Avec son livre révolutionnaire « The Highly Sensitive Person » (La personne hautement sensible), publié en 1996, elle a transformé le regard que la société portait sur l’hypersensibilité. Elle a remplacé la stigmatisation par la compréhension, la honte par l’acceptation. Elle a présenté l’hypersensibilité non pas comme un défaut, mais comme un trait de personnalité inné, touchant environ 15 à 20% de la population.
Elaine Aron a défié le statu quo. Elle a osé affirmer que la sensibilité n’était pas une faiblesse, mais une force. Elle a suggéré que le monde avait besoin de personnes hautement sensibles, avec leur capacité à ressentir profondément, à percevoir subtilement, à réfléchir intensément. Elle a proclamé que l’hypersensibilité, loin d’être un fardeau, était un cadeau.
Et comme vous vous en doutez, elle a été critiquée pour cela. Elle a été accusée de promouvoir le narcissisme, de pathologiser la normalité, d’encourager la faiblesse. Mais elle a tenu bon. Elle a continué à défendre l’idée que la sensibilité était une force, que les personnes hautement sensibles avaient un rôle important à jouer dans notre société.
Et elle a réussi. Aujourd’hui, l’hypersensibilité est largement reconnue comme un trait de personnalité légitime. Les personnes hautement sensibles ne sont plus stigmatisées, mais valorisées pour leur profondeur émotionnelle, leur empathie, leur intuition. L’hypersensibilité a trouvé sa place dans le spectre des traits de personnalité humaine.
Mais toute cette reconnaissance ne repose-t-elle pas sur un mythe ? L’hypersensibilité est-elle réellement ce que Elaine Aron prétend qu’elle est ? Ou n’est-ce qu’un autre mot à la mode, une autre étiquette à coller sur nous-mêmes pour nous sentir spéciaux, uniques, différents ?
Dans la suite de cet article, nous allons explorer ces questions. Nous allons plonger dans le monde de l’hypersensibilité, entre mythe et réalité. Nous allons défier les idées reçues, questionner les convictions établies, et peut-être même, remettre en question certaines de nos propres croyances. Préparez-vous à un voyage dans les profondeurs de l’âme humaine, où la sensibilité règne en maître.
Hypersensibilité qu’est-ce que c’est ?
Alors, que nous dit Elaine Aron sur l’hypersensibilité ? Selon elle, les personnes hautement sensibles (PHS) sont celles qui sont nées avec un système nerveux particulièrement sensible. Elles sont plus attentives à leur environnement, plus touchées par les stimuli sensoriels, plus émotives et plus empathiques. Elles sont souvent intuitives, créatives, consciencieuses et ont une profonde appréciation pour la beauté et l’art.
Mais ce n’est pas tout. Les PHS ont aussi tendance à être plus facilement débordées par les stimuli extérieurs. Le bruit, la lumière, les odeurs, la foule, la pression du temps, la violence à la télévision peuvent être accablants pour elles. Elles peuvent aussi avoir des réactions plus intenses aux événements de la vie, qu’ils soient positifs ou négatifs.
C’est un beau tableau, n’est-ce pas ? Les PHS sont présentées comme des êtres délicats, profonds, empathiques, créatifs. Qui ne voudrait pas être une PHS ? Qui ne voudrait pas avoir une sensibilité accrue, une plus grande capacité à apprécier la beauté, une plus grande empathie pour les autres ?
Mais attendez une minute. N’y a-t-il pas quelque chose qui cloche ici ? N’est-ce pas un peu trop beau pour être vrai ? Ne sommes-nous pas en train de romantiser l’hypersensibilité, de la transformer en quelque chose qu’elle n’est pas ?
La face cachée de l’hypersensibilité
Il est vrai que les PHS peuvent avoir des expériences plus intenses, une plus grande capacité à ressentir et à comprendre les autres. Mais cela ne vient pas sans son lot de défis. Les PHS peuvent aussi être plus susceptibles de souffrir de stress, d’anxiété, de dépression. Elles peuvent avoir du mal à gérer les émotions intenses, à faire face à la pression sociale, à se sentir débordées par leur environnement.
Et si l’hypersensibilité n’était pas seulement une bénédiction, mais aussi une malédiction ? Et si elle n’était pas seulement une force, mais aussi une faiblesse ?
Elaine Aron ne nie pas ces défis. Au contraire, elle les reconnaît et les aborde dans son travail. Elle propose des stratégies pour aider les PHS à gérer leur sensibilité, à faire face aux défis qu’elle présente, à utiliser leur sensibilité comme une force plutôt que comme une faiblesse.
Les critiques
Mais ce n’est pas suffisant pour certains. Il y a ceux qui critiquent l’hypersensibilité, qui la rejettent comme un concept flou, sans fondement scientifique. Il y a ceux qui l’accusent d’être une mode, une tendance, une excuse pour éviter de prendre des responsabilités.
Et il y a ceux qui vont plus loin, qui affirment que l’hypersensibilité n’est rien de plus qu’un mythe. Qu’elle n’est qu’une construction sociale, un produit de notre obsession moderne pour l’individualisme, l’authenticité, l’expression de soi. Qu’elle est une manière pour les gens de se sentir spéciaux, uniques, différents. Qu’elle est, en fin de compte, une illusion.
Ces critiques ne sont pas sans fondement. Il est vrai que l’hypersensibilité est un concept complexe, difficile à définir et à mesurer. Il est vrai que notre société a une fascination pour l’unicité, l’authenticité (de surface), l’individualité. Il est vrai que certains peuvent utiliser l’hypersensibilité comme une excuse pour éviter des défis ou pour se déresponsabiliser.
Mais cela ne signifie pas que l’hypersensibilité est un mythe. Il ne faut pas confondre l’utilisation abusive d’un concept avec son invalidité. Oui, il y a des gens qui se cachent derrière l’étiquette de l’hypersensibilité pour éviter d’apprendre à mieux gérer leurs émotions et leur impulsivité. Oui, il y a des gens qui l’utilisent comme une excuse pour éviter de faire face à leurs problèmes. Mais cela ne signifie pas que l’hypersensibilité en soi est invalide, sans fondement, illusoire.
Une base scientifique
En fait, l’hypersensibilité a une base scientifique solide. Les recherches d’Elaine Aron et d’autres ont montré que les PHS ont un système nerveux plus sensible, qui les rend plus réactifs aux stimuli extérieurs. Ils ont aussi montré que l’hypersensibilité est un trait de personnalité stable, présent dès la naissance et persistant tout au long de la vie.
Cela ne signifie pas que l’hypersensibilité est une maladie, une anomalie ou un défaut. C’est simplement une manière différente d’être au monde, une manière qui comporte ses propres défis et ses propres bénéfices. C’est une manière qui demande de la compréhension, de l’acceptation et de l’adaptation.
Conclusion
Il est facile de critiquer l’hypersensibilité. Il est facile de la rejeter comme un mythe, une illusion, une mode passagère. Mais la réalité est plus complexe, plus nuancée, plus riche. L’hypersensibilité est une réalité pour de nombreuses personnes. C’est une partie intégrante de leur identité, de leur expérience du monde.
Et c’est ce que nous devons reconnaître et respecter. Nous devons arrêter de stigmatiser l’hypersensibilité, de la diaboliser, de la marginaliser. Nous devons commencer à la comprendre, à reconnaître ses forces et ses limites, et à l’affiner comme toutes caractéristiques individuelles ayant un fort potentiel d’utilité.
Car l’hypersensibilité n’est pas un mythe. C’est une réalité. Et c’est une réalité qui mérite d’être reconnue et respectée.
Maintenant, il ne tient qu’à nous de décider comment nous voulons aborder cette réalité. Allons-nous l’ignorer, la nier ou la rejeter ? Ou allons-nous l’accepter, la considérer et la reconnaître ?
Il est temps de choisir. Il est temps d’ouvrir nos esprits, nos cœurs et nos âmes à la réalité de l’hypersensibilité. Il est temps de reconnaître la valeur, la beauté et la richesse de cette manière unique d’être au monde.
Image par Leopictures de Pixabay
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